Jusqu’en 1992, la répression est ici organisée par le Code de la Santé Publique notamment par l’article L627. En 1992, on a scindé la répression des trafics de stupéfiants à la fois par le Code de la Santé Publique et par le Code Pénal.
Les trafics de stupéfiants sont réprimés par le Code Pénal et les infractions relatives à l’usage et à la provocation à l’usage des stupéfiants sont réprimées par le Code de la Santé Publique.
La répression des trafics de stupéfiants est spécifique en droit français car il y a une difficulté d’appréhender les réseaux, la délinquance très organisée : on a des spécificités procédurales permettant d’appréhender mieux la répression.
Les spécificités procédurales sont les perquisitions, saisies, visites,… qui peuvent être faites en dehors des heures légales : cela ne pose pas de difficulté si elles sont faites sur réquisition du Procureur de la République et avec l’autorisation du Président de la République.
La loi du 09.03.2004 Perben II portant pour beaucoup sur la répression de la délinquance organisée a généralisé les possibilités de perquisitions, saisies, visites,… en dehors des heures légales du moment qu’il s’agit de bandes organisées. C’est identique pour la garde à vue qui peut être ici portée à 96 heures et les droits du gardé à vu sont limités puisqu’il n’a pas droit de voir un avocat dans la 1ère heure (qu’à la fin de la garde à vue voir pas du tout).
Egalement, on a admis ici des méthodes policières de provocation ou d’infiltration (surtout infiltration). L’idée ici est qu’on admet que pour démontrer l’existence des trafics de stupéfiants, des officiers de Police Judiciaire peuvent infiltrer un réseau, commettre des infractions avec les membres du réseau, mais il ne faut pas que ce soit de la pure provocation policière c’est-à-dire à l’initiative de la Police Judiciaire. Egalement, on a ici recours de façon systématique aux écoutes téléphoniques.
Très souvent, la criminalité appréhendée sera très organisée. En pratique, on a 2 cas :
- de la petite criminalité = petite quantité (comparution immédiate)
- des réseaux entiers avec vraiment une criminalité organisée
I) Les différentes infractions
Cf. articles 222-34 à 222-43 du Code Pénal.
¤ 2 crimes :
· la direction ou l’organisation d’un réseau (art. 222-34)
· la fabrication de produits stupéfiants (art. 222-35)
· et de nombreux délits
L’article 222-34 vise la direction et/ou l’organisation d’un réseau qui est appréhendée. Ce réseau doit être constitué de l’ensemble des éléments du trafic (de la fabrication à la revente en passant par le transport, l’exportation, l’importation,…). Ici, on a 2 conditions : l’existence du réseau + soit le fait d’organiser le réseau soit le fait de diriger le réseau.
Ce crime est puni de la réclusion criminelle à perpétuité et à 7,5 millions d’euros d’amende.
L’article 222-35 réprime la production et/ou la fabrication de produits stupéfiants. Cette infraction est également un crime puni de 20ans de réclusion criminelle et de 30ans en cas de bande organisée, ainsi que de 7,5 millions d’euros d’amende.
Le Code Pénal ne définit pas les produits stupéfiants : il fait un renvoi au Code de la Santé Publique qui évoque des plantes et substances vénéneuses dont la liste est fixée par le règlement.
Il est à préciser que les termes production et fabrication impliquent une transformation de la plante.
¤ Les délits qui sont en infraction simple (circonstance aggravante = crime).
L’article 222-36 vise l’importation et l’exportation de produits stupéfiants qui sont réprimées par 10ans de réclusion criminelle et 7,5 millions d’euros d’amende (en bande organisée : 30ans de réclusion criminelle et 7,5 millions euros d’amende).
L’importation peut être de n’importe quel pays (peu importe l’espace Schengen ou communautaire) implique qu’est réprimé de la même manière le délinquant qui est dans le Sud de la France et qui va s’approvisionner en Espagne que celui qui fait venir de grandes quantités de Colombie. Il suffit donc qu’il y ait 2 pays distincts. Peu importe que vous ayez été déjà sanctionné à l’étranger, on peut également être poursuivi en France, car la Cour de Cassation considère que l’importation et l’exportation sont 2 infractions distinctes et que ce sont des infractions instantanées.
L’article 222-37 vise le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi de stupéfiants réprimés par 10ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions euros d’amende.
Ce sont ici les infractions les plus classiques qu’est le trafic ordinaire. En principe, ici, dans l’esprit du législateur, ce sont les gros ou demi-gros que sont les intermédiaires.
Un problème se pose ici sur la cession (cf. art.222-39) où il n’y a pas de critère objectif. La distinction ici se fait par le dol, mais en pratique il est très difficile de distinguer (volonté de se prêter à un réseau ou juste pour financer sa propre consommation). Ce qui va permettre de distinguer est d’abord l’importance du trafic, puis l’adéquation entre sa consommation personnelle (et son coût) et les revenus nés du trafic.
La loi de 2006 a supprimé une infraction (art.222-39-1) qui est le fait de ne pas pouvoir justifier de ses ressources et de son train de vie quand on est en relation avec des personnes qui se livrent à un trafic de stupéfiants. On avait ici une présomption de trafic mais qui servait peu. Ceci était réprimé par 5ans de prison. On a supprimé cette infraction et aggravé celle du blanchiment d’argent.
Toujours sur ce même article 222-37 se posait des questions sur le transport et la détention de stupéfiants. Ici, ce sont des infractions où la peine encourue est de 10ans alors même que l’on n’a pas d’autres infractions moins graves dans le cadre où le transport et la détention sont faits dans le cadre de la consommation personnelle. Cela renvoie une question d’opportunité car en présence d’une consommation personnelle, au bon vouloir du Ministère Public, on va être soit sur le transport et la détention soit sur l’offre et la cession.
La question de la frontière sur la petite criminalité peut vite faire boule de neige et arriver à une incrimination importante.
L’exception de l’article 222-39 sur l’offre et la cession est justifiée mais elle n’est pas assez large. Souvent, le délinquant est soumis au bon vouloir du Ministère Public qui va juger sur l’opportunité des poursuites (cf. arrêt intéressant sur cette difficulté : chambre criminelle 17.10.1994 : jurisprudence 3 de l’art.222-37).
¤ 2 infractions délictuelles :
· la consommation de stupéfiants
· la provocation à l’usage de stupéfiants
Ces délits sont visés aux articles L3421-1 et suivants du Code de la Santé Publique.
La consommation est réprimée par 1an d’emprisonnement.
La provocation à l’usage de stupéfiants est punie par 5ans de réclusion criminelle.
On peut regretter le manque de précision de ces textes, le fait qu’il n’y ait pas de distinction entre les différentes catégories de stupéfiants, et le fait que la répression se fasse très largement à travers le prisme de l’opportunité des poursuites. On a pu considéré que le fait de présenter la consommation de cannabis sous un jour favorable dans le cadre de discussion relative à la dépénalisation pouvait relever de l’article L3421-4 du Code de la Santé Publique. Il faut ici se référer au principe de tolérance et pas de la classification légale.
Proche de la consommation, on trouve le fait de l’obtention de produits stupéfiants par ordonnances. L’article 222-37 alinéa 2 prévoit 3 délits distincts sur l’usage de stupéfiants par ordonnance :
- faciliter l’usage de stupéfiants notamment par ordonnance
- se faire délivrer des ordonnances pour obtenir des stupéfiants (consommation)
- délivrer des stupéfiants sur une ordonnance fictive
Là encore, on a ce même problème d’échelle des peines.
¤ L’infraction de blanchiment d’argent
C’est l’article 222-38 du Code Pénal qui la prévoit et la réprime par 10ans d’emprisonnement et de 750000euros d’amende (ou la moitié de la valeur des biens/fonds portant sur le blanchiment).
Il y a 2 catégories de blanchiment :
- le blanchiment criminel : lorsque les sommes blanchies sont issues des crimes relatifs aux stupéfiants (ou d’autres crimes)
- le blanchiment délictuel : ceux issues de délits.
Se pose ici la question de la responsabilité des banquiers/avocats/notaires… c’est-à-dire des gens qui, dans l’exercice de leur profession, vont aider sur des montages de blanchiment. Il faut ici avoir conscience de participer à une opération de blanchiment. Cette possibilité de poursuite de professionnels est aujourd’hui aggravée par différentes dispositions qui obligent les professionnels à déclarer les soupçons qu’ils peuvent avoir sur la licéité d’opérations (cf. directives européennes). Ils doivent effectuer une déclaration auprès du TRACFILS ou du Procureur de la République des opérations douteuses mais cela pose le problème d’une interaction avec le secret professionnel. Des dispositions spécifiques existent pour les Ordres : pour les avocats par exemple, il doit passer par le Bâtonnier. Les avocats montrent cependant une grande réticence sur ce point car désirent protéger le secret professionnel. Egalement, cela est du au fait que les avocats sont trop souvent soupçonner de participer ou de profiter de ces blanchiments.
II) La répression
La répression présente ici 3 particularités :
- sur les peines complémentaires possibles
- sur la répression de la tentative
- sur la dénonciation
S’agissant des peines complémentaires, elles s’appliquent aux personnes physiques ou morales (Cf. art. 222-44 du Code Pénal).
S’agissant de la tentative, elle est en elle-même réprimée et punie des mêmes peines (Cf. art. 222-40 du Code Pénal). Elle trouve surtout une application dans la cession et l’importation.
S’agissant de la dénonciation (Cf. art. 222-43 et 222-43-1 du Code Pénal), les peines vont être diminuées de moitié (par exemple, de perpétuité à 20ans). En cas de tentative et de dénonciation, une exemption de peine est prévue. Mais, en pratique, on pousse à la délation.