Parmi les spécificités de lacomparution immédiate, les règles régissant la mise en œuvre d’un mandat dedépôt sont sans doutes de celles qui, méconnues, marquent de leur empreinte leplus profondément ce régime procédural. Le mandat de dépôt est l’acte parlequel une juridiction décide de l’incarcération d’une personne. Il estl’ordre, donné à la maison d’arrêt, d’accueillir le justiciable. En matièrecorrectionnelle, la règle de principe est que le tribunal ne peut ordonner demandat de dépôt que lorsque le prévenu est condamné à une peine d’au moins unan de prison ferme. Ce délai d’un an correspondait, jusqu’à la loipénitentiaire de décembre 2009, à la durée maximale pour qu’une peine soitaménageable. Le principe du mandat de dépôt était donc simple, lorsque la peineprononcée par le tribunal ne pouvait faire l’objet d’un aménagement,c'est-à-dire lorsque l’exécution de la peine devait passer nécessairement parune incarcération, le Tribunal pouvait décider le l’incarcération immédiate ducondamné. Les choses sont aujourd’hui légèrement différentes puisque du fait dela modification du droit de l’application des peines, celles-ci peuvent être aménagéesjusqu’à un quantum de deux ans, ce qui permet d’incarcérer des justiciablesalors que leur peine est aménageable. Il n’en reste pas moins quel’incarcération immédiate du condamné est rare dans les audiences ordinairesdes tribunaux correctionnels. Dans l’immense majorité des cas, le placement endétention relève de la juridiction d’exécution des peines et non de lajuridiction de jugement. Le recours au Juge de l’exécution des peines a pourobjet de préparer et d’organiser la détention. Il est le gage de ce que ladétention puisse servir tant les intérêts de la répression que du condamné.
En matière de comparutionimmédiate, la logique est d’une certaine manière inversée. Le mandat de dépôtest, comme le montre cette étude, pour ainsi dire la règle. Techniquement, lamesure d’incarcération est possible du fait des dispositions de l’article aux 397-4 du Code de procédure pénale qui dispose expressémentqu’en matière de comparution immédiate le tribunal a la possibilité, « quelle que soit la durée de la peine » de décerner mandat de dépôt.
A l’immédiateté de la décision dejustice s’ajoute donc l’immédiateté de l’exécution de la peine. Ce phénomèneinterroge à plusieurs titres. D’une part, il convient de constater que dansbien des cas, l’ordre d’incarcération rend tout recours contre la décisioninutile. En effet, même si en la matière et en application des dispositions del’article 397-4 du Code de procédure pénale, « La courstatue dans les quatre mois de l'appel du jugement rendu sur le fond interjetépar le prévenu détenu, faute de quoi celui-ci, s'il n'est pas détenu pour uneautre cause, est mis d'office en liberté », lecondamné aura bien souvent exécuté sa peine lorsque la cour sera saisi de sonaffaire. Le principe, fondamental de notre droit, selon lequel chacun a droit àun second degré de juridiction semble donc ici peu respecté ou, en tout état decause, relever davantage de la théorie que de la pratique.
D’autre part,l’ordre d’incarcération délivré à l’audience fait peser un vrai risque quant àl’efficacité de la peine. Il faut avoir conscience qu’en l’espace de 48 ou 72heures le condamné aura fait face à son interpellation, une mesure de garde àvue, une présentation devant le Tribunal correctionnel et enfin, un placementen détention. Or, c’est au cours de ce bref espace de temps que va se jouer ladésocialisation de l’individu. Il ne s’agît pas ici de sombrer dans une formed’angélisme, mais c’est un fait que lorsque le condamné est inséré socialement,l’absence de préparation à l’incarcération va avoir pour effet de rompre brutalementles liens avec son environnement. Non préparée, l’incarcération seraconstitutive pour le condamné qui travaille d’un abandon de poste, pour celuiqui est en formation, d’un échec de celle-ci. Face à cela, la réinsertion ducondamné ne sera que plus complexe. Il sera mis dans une situation où il luisera d’autant plus difficile d’accepter sa peine qu’il vivra en général commeune injustice les conséquences qui sont liées à sa privation de liberté.
Cette dérive, car il s’agît d’unedérive, est difficilement appréhendable par la défense. Dans bien des cas,l’avocat n’aura pas le temps matériel de réunir les éléments lui permettant derapporter la preuve de l’insertion sociale de son client. La maigre enquêtesociale, obligatoire, et sensée évincer ce risque se révèle bien souventinsuffisante car ne se fondant que sur la parole du mis en cause. En réalité,celle-ci devrait être mise en œuvre bien plus tôt, dès le placement en garde àvue, pour qu’il puisse s’agir d’une vraie enquête et non seulement d’unentretien de personnalité. On peut cependant douter que le législateur, aprèsavoir eu tant de peine à admettre la présence des avocats dans le huis clos descommissariats, soit disposé à y inviter les travailleurs sociaux.